La résurrection des morts, médiation pour la vraie vie
L'animisme des sociétés archaïques, a-t-on dit, s'efforce de nier la
mort en affirmant qu'elle est privation existentielle – et l'existence
est alors celle de l'individu – plutôt que négation essentielle :
destruction du tout apparent qu'est le moi, mais jamais destruction de
tout. Pour les Noirs d'Afrique, par exemple, « la vie, au sens le plus
fort, n'est pas individuelle ou dérivée et la mort joue sur la
manifestation secondaire, l'individu » (R. Jaulin).
Tout autre est la position des philosophes et des théologies
résolument personnalistes. Dans l'impossibilité où elles se trouvent
d'oublier la mort et ses effets annihilants, il ne leur restait plus
qu'une seule éventualité, la résurrection :
« Vos morts vivront, leurs corps ressusciteront », prophétisait Isaïe.
La résurrection des morts n'est-elle pas la plus consolante de toutes
les croyances puisqu'elle réhabilite le corps et l'associe au destin de
l'âme ? Comme l'écrivait Pascal au sujet de la mort de son père (lettre à sa sœur Gilberte, 1er oct. 1651) : « Ne considérons donc plus la mort comme des païens, mais
comme des chrétiens, c'est-à-dire avec l'espérance [...] puisque c'est
le privilège spécial des chrétiens. Ne considérons plus un corps comme
une charogne infecte, car la nature trompeuse le figure de la sorte,
mais comme le temple inviolable et éternel du Saint-Esprit. » C'est
pourquoi les élus, après le Jugement dernier, auront un corps
resplendissant, car ce qui a été ici-bas un tabernacle vivant ne saurait
disparaître à tout jamais. Certes, l'épreuve de la mort est
douloureuse, voire effroyable, mais les chrétiens ont de quoi surmonter
la crainte qu'elle inspire. Car, dit encore Pascal, « sans Jésus, la
mort est abominable, mais avec lui c'est une chose sainte, douce et
joyeuse pour le véritable croyant ». Si mourir revient à estimer ce
qu'on perd ou la perte qu'on fait, l'animal meurt moins que l'homme et
la plante moins que l'animal. Si l'estimation s'effectue à partir de ce
qu'on gagne, rien ne meurt moins que l'homme. Cette réduction au
non-être qu'est la mort devient le moyen adéquat de racheter le paradis
perdu par la médiation de la mort du Christ (mort féconde par
excellence), car celle-ci est « l'action totale de la vie du Christ,
l'action décisive de sa liberté, la pleine intégration de son temps
total dans son éternité humaine ». De la sorte, la mort reste
simultanément « le sommet de l'extrême impuissance de l'homme » et « la
plus haute action de l'homme » (K. Rahner, cité par E. L. Gaboriau). Le
péché a introduit la mort, mais la rédemption (mort féconde) permet de
la transcender, et la mort devient la transition nécessaire pour
atteindre le salut authentique, qui est la vision de Dieu.
Le thème de la résurrection des corps qui seront accompagnés des arrouāh (sing., rūh), ou « souffles subtils », constitue également une idée maîtresse de l'islam : là encore, le retour (ma‘ād) supposera, lors du Jugement dernier, la reddition des comptes (hisāb) et la pesée (mizān)
des actions humaines : « Qui aura accompli le poids d'un atome de bien
le verra ; qui aura accompli le poids d'un atome de mal le verra »
(Coran, ic, 7-8). Croyants et incroyants devront passer sur le pont du Sirat, « fin comme un cheveu et tranchant comme un sabre » (hadīth),
jeté sur la partie supérieure de l'enfer : Dieu aidera les justes ; les
réprouvés tomberont dans la géhenne. Mais, contrairement au
christianisme, il n'y a pas dans l'islam de rédemption, et la vision de
Dieu (ru'yat Allāh) ne semble pas, en général, constituer l'essence de la béatitude éternelle (L. Gardet).
Universalis
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