Carnavals du Nouveau Monde
Au xvie siècle,
le carnaval est passé avec armes et bagages outre-Atlantique, du fait
de la colonisation des puissances catholiques, d'Espagne, du Portugal et
de France ; les colons protestants anglais et néerlandais ont, en
général, proscrit cette tradition jugée sulfureuse. L'opposition entre
les mondes latin et anglo-saxon s'est maintenue jusqu'à nos jours, la
tradition carnavalesque couvrant à peu près toute l'Amérique latine et
l'aire caraïbe jusqu'à la Louisiane et son imposant carnaval de La
Nouvelle-Orléans, ainsi qu'au Canada français, à Québec, tout du moins
jusqu'au xviiie siècle.
Relancée depuis 1954, le carnaval québécois s'apparente plus
aujourd'hui à un festival d'hiver, comme celui de Toronto ou d'Ottawa.
Quant aux grands carnavals d'Amérique latine et
des Caraïbes, aux parfums épicés, aux souffles tropicaux, aux sonorités
fortes et rythmées, ils ont connu des évolutions divergentes au cours
des siècles, mais ils conservent de fortes résonances communes.Apporté au Brésil par les Portugais, le carnaval est devenu là-bas un mélange de rituels où se croisent les influences africaines, amérindiennes et européennes. La passion et la participation populaire ont pris des proportions démesurées dans ces grands carnavals de masse. Un million de personnes dansent le frevo pour la sortie du Galo da Madrugada à Recife, deux millions de Bahianais composent le plus grand défilé de carnaval de rue dans le monde, et le carnaval des vierges, à Olinda, fait revivre chaque année les plus inénarrables travestissements des hommes en femmes.
Si Rio de Janeiro est devenu le plus grand show carnavalesque médiatisé du monde, Recife et sa voisine Olinda restent des carnavals populaires de rue, où traditions et survivances de l'héritage européen cohabitent avec les apports des cultures nègres et indiennes. Quant à Bahia, elle a connu une évolution spectaculaire : elle s'est complètement dépouillée de ce même héritage européen pour s'abandonner à la culture afro-brésilienne et devenir le plus grand carnaval de rue du monde. Celui-ci rassemble aujourd'hui près de deux millions de participants en folie derrière les fameux trios elétricos (chars portant chanteurs et musiciens avec leur sono assourdissante), emmenés par les plus grandes stars de la chanson brésilienne.
À Rio, au milieu du xixe siècle, la transformation de la société aristocratique en société bourgeoise correspond au remplacement de l'entrudo (du latin introitus, « entrée en Carême ») par le carnaval. Felipe Ferreira a analysé l'influence des carnavals parisiens et niçois sur l'évolution du carnaval à Rio de Janeiro qui permet de susciter un échange entre la fête désirée par l'élite et celle qui correspondait aux classes populaires, d'offrir à l'élite l'opportunité de s'encanailler par la liberté du carnaval populaire et de donner au peuple l'occasion d'incorporer à sa fête des éléments « internationaux ».
D'un côté, nous voyons alors apparaître un « grand carnaval » avec de somptueux bals « vénitiens » donnés par la bourgeoisie, ainsi que des cortèges de parades costumées accompagnées de chars dans les rues de la ville. Rio suit de ce point de vue les mêmes traditions que Nice, Paris ou La Nouvelle-Orléans à la même époque. Mais d'un autre côté, l'abolition de l'esclavage en 1888 entraîne à Rio l'apparition d'un « petit carnaval », composé de petits groupes de Noirs et de Mulâtres. Ce petit carnaval naquit timidement pour se développer sous la forme de rancho (« troupe » en portugais). Peu à peu, les ranchos deviennent une grande attraction du carnaval, grâce à leur rythme et cadence endiablés, et aussi à leurs costumes chatoyant d'« Indiens ». C'est une victoire pour les classes pauvres et populaires afro-brésiliennes et l'une des premières manifestations reconnues de leur culture, qui précède la création des écoles de samba, une dizaine d'années plus tard.
C'est le 28 avril 1928 qu'est fondée la première école de samba, Mangueira, suivie par Unidos da Tijuca, Portela, et bien d'autres les années suivantes. En 1936, les écoles de samba obtiennent l'autorisation de parader dans le centre de la ville, Praça Onze, tandis que le carnaval bourgeois se tient sur la grande avenue principale. Finalement, les années 1950 confirment la victoire totale des escolas de samba. En complète régression, le « grand carnaval » cède définitivement la place au carnaval populaire des classes pauvres réunissant Noirs et Métis, qui imposent aux Blancs leur défilé, dominé par la danse et la musique d'origine africaine, auxquels se mêlaient d'autres influences culturelles d'origine indienne et européenne. Le carnaval brésilien prenait son envol.
IV - Tendances contemporaines
Phénomène récent et étonnant, les carnavals afro-américains ont
suscité un renouveau des carnavals européens, voire une complète
renaissance, en particulier dans l'Europe du Nord, où le protestantisme
les avait complètement éliminés. Autre tendance récente notable,
l'organisation de fêtes et de parades urbaines pour des fins des plus
diverses – intégration sociale de communautés différentes, promotion
touristique et commerciale, développement des spectacles de rue
professionnels –, est beaucoup plus débattue du fait de ses prétentions à
l'appellation de carnaval, et de la confusion des genres qui peut
s'ensuivre.
Tropicalisation des carnavals européens
Alors qu'il existait une tradition du carnaval d'hiver autour du
cycle des douze jours (entre Noël et l'Épiphanie), notamment en Scanie,
les sorties de masques du douzième jour, et les fêtes de Carême en
Suède, la conversion des pays scandinaves au protestantisme entraîna la
disparition de ces carnavals entre le xvie et le xviie siècle. Mais au début des années 1980 réapparaissent dans le nord de l'Europe, en Scandinavie et aux Pays-Bas, des carnavals de printemps ou d'été qui s'inspirent des écoles de samba de Rio, du frevo de Recife, des steels-bands de Trinidad. La fin du xxe siècle connaît ainsi une floraison d'écoles de samba aux Pays-Bas et en Scandinavie, sans compter les pays d'Europe de l'Est.
L'utilisation du terme carnaval en dehors de la période hivernale
n'est donc pas issue de la tradition, mais elle est influencée par les
carnavals tropicaux, qui servent de modèles pour fêter l'arrivée du
soleil et de l'été. Ainsi, à Aalborg et Copenhague au Danemark, à
Göteborg en Suède, des carnavals surgissent autour de la période de
Pentecôte, pour célébrer la fête du Soleil et l'arrivée prochaine de
l'été. La fin de l'été est aussi bien célébrée que son début, avec les
carnavals de Stockholm et Norrköping en Suède, ainsi que dans d'autres
villes en Finlande et en Norvège.
L'autre « carnaval d'été », celui de Notting Hill à Londres, se déroule le dernier week-end du mois d'août, lors du bank-holiday
dans le quartier londonien de Portobello. Il a été entièrement créé à
la fin des années 1960 par la communauté antillaise catholique venue de
Trinidad. Comme les Noirs brésiliens des ranchos de Rio au siècle précédent, la communauté caribéenne a peu à peu conquis la rue et l'espace carnavalesque, avec ses mas, bandes aux costumes géants somptueux et magiques, ses steels-bands et ses sound-systems.
Ce carnaval est devenu l'un des plus importants carnavals européens par
la participation et la fréquentation populaire, toute appartenance
« ethnique » confondue.
Celui de Tenerife, capitale des
îles Canaries, est le plus grand carnaval d'Espagne, un carnaval
étonnant, époustouflant par son rythme, sa diversité, sa conjugaison
réussie des traditions des carnavals anciens de la péninsule Ibérique,
comme le spectaculaire « enterrement de la sardine » et l'apport de
nouveautés latino-américaines sous l'influence d'émigrés canariens,
revenus au pays dans les années 1960, après un passage en Amérique du
Sud.
Parades et défilés multiculturels
Après la décennie de 1980, qui a vu arriver en Europe, Scandinavie,
Pays-Bas, Allemagne (à Berlin) une tropicalisation de carnavals calqués
sur les écoles de samba ou les steel bands et les mas de
Trinidad (grands groupes avec des costumes et marionnettes géantes
créées par de talentueux artistes plasticiens comme Peter Minshall) et
surtout Notting Hill, la décennie des années 1990 voit surgir un nouveau
concept multisocioculturel qui essaie de conjuguer à la fois la
démonstration des diversités culturelles, l'appropriation (ou
l'intégration) de la cité, le temps du parcours de l'espace festif, et
la création artistique sous toutes ses formes : dramaturgie,
scénographie, chorégraphie, musique, arts plastiques, création de
machines éphémères. Certaines parades, en basculant vers l'implication
d'artistes professionnels de rue, négligent ou ne trouvent pas assez à
leurs goûts artistiques, les participants locaux.
C'est ainsi que le théâtre et les arts de rue
ont tendance à empiéter de plus en plus sur l'espace carnavalesque
traditionnel. Ils inspirent déjà plusieurs carnavals en Europe. Depuis
l'an 2000, ils occupent une place plus importante dans le carnaval de
Nice et sont à l'origine de la création de la Zinneke Parade à
Bruxelles. Ceux qui restent attachés au carnaval populaire et paillard
ne peuvent que souscrire au jugement de l'ethnologue suisse Suzanne
Chappaz, pour qui la street parade des artistes de rue est
« l'anticarnaval absolu ». L'art de la fête carnavalesque, resté ancré
dans une histoire locale unique, n'est pas réductible à un simple savoir
d'organisation et de promotion de fête urbaine, à de la création
d'événements comme on dit dans le management culturel.
Le carnaval de la Martinique est né de la rencontre des cultures européennes et africaines durant la colonisation Il a connu son heure de gloire à la fin du XIXe siècle.En 1902, l'éruption de la montagne Pelée détruisit la ville de Saint-Pierre. 30 000 habitants périrent, mais la tradition du carnaval se perpétua à Fort-de-France. Les festivités du « mercredi des cendres », typiquement martiniquaises, se retrouvent aussi en Guadeloupe et en Guyane.
Il ne faut pas s'étonner de voir des obscénités dans le carnaval martiniquais qui est ouvert à tous et qui encourage la spontanéité. Les malpropres sont des personnages incontournables des jours gras et les chansons grivoises sont légion. Le carnaval ne peut se faire sans les bwadjaks, les vieilles voitures, automobiles arrangées pour la période, parfois taguées ou couvertes de photos. Sur le toit on peut y voir une baignoire, un bwabwa (personnage à l'effigie d'un homme politique ou d'une célébrité) ou des personnes. À cause d'incidents, les voitures doivent désormais être contrôlées. Chaque année les travestis et personnages les plus traditionnels (Touloulous, Neg Gwo Siwo, Mariane Lapofig, Caroline Zié Loli, Medsen Lopital) ressortent dans les rues. Les personnes qui se contentent de regarder le carnaval sont péjorativement appelés cocofiolo par les vidéyeurs qui suivent les chars et les groupes à pieds.
Il ne faut pas s'étonner de voir des obscénités dans le carnaval martiniquais qui est ouvert à tous et qui encourage la spontanéité. Les malpropres sont des personnages incontournables des jours gras et les chansons grivoises sont légion. Le carnaval ne peut se faire sans les bwadjaks, les vieilles voitures, automobiles arrangées pour la période, parfois taguées ou couvertes de photos. Sur le toit on peut y voir une baignoire, un bwabwa (personnage à l'effigie d'un homme politique ou d'une célébrité) ou des personnes. À cause d'incidents, les voitures doivent désormais être contrôlées. Chaque année les travestis et personnages les plus traditionnels (Touloulous, Neg Gwo Siwo, Mariane Lapofig, Caroline Zié Loli, Medsen Lopital) ressortent dans les rues. Les personnes qui se contentent de regarder le carnaval sont péjorativement appelés cocofiolo par les vidéyeurs qui suivent les chars et les groupes à pieds.
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