lundi 30 décembre 2013

Les différentes sectes au temps de Jésus


Le milieu

La Palestine, à l'époque de Jésus, vit sous l'occupation romaine. La succession d'Hérode le Grand, en 4 avant J.-C., et le partage de son royaume entre ses trois fils ne se firent pas sans mal. Dès ce moment, la révolte gronde partout, et notamment en Galilée où Judas de Gamala provoque deux soulèvements avant d'être exécuté. Peu après l'arrivée de Pilate à Jérusalem en 26, une émeute est matée avec férocité. La situation politique est tendue, l'insurrection souhaitée par les nationalistes, qui mêlent dans une même haine l'occupant et ceux qui collaborent avec lui. La situation économique n'est pas meilleure : les impôts, les réquisitions et les corvées pèsent lourdement sur la population. Les trois grands partis juifs du temps n'ont pas tous la même attitude envers les Romains. Du point de vue religieux, ils ont tous en vue l'observance des commandements mosaïques, si bien que le judaïsme se présente plus comme une orthopraxie que comme une orthodoxie. Les esséniens eux-mêmes, qui vivent en marge de la société et du Temple, ne sont pas rejetés de la communauté juive.


 Les sadducéens


Le parti des sadducéens n'est pas fortement organisé. Il se confond avec une classe privilégiée : le grand sacerdoce et les familles influentes et riches. C'est sous Jean Hyrcan (135-107 av. J.-C.) qu'ils sont devenus un parti de gouvernement ; et ils ont constamment lutté avec les pharisiens pour conserver ou reprendre le pouvoir. Depuis la conquête romaine, ils savent se montrer conciliants avec les pouvoirs successifs, mais se confinent de plus en plus dans le Temple, en conservant toute leur influence sur la caste sacerdotale. Ils sont essentiellement conservateurs, n'observant que la loi écrite et refusant tous les apports de la tradition pharisienne. Seul, le Pentateuque (les cinq livres de la Loi) fait autorité à leurs yeux et ils n'ont jamais admis les idées introduites plus ou moins récemment dans le judaïsme : le destin et la prédestination, l'angélologie, la croyance aux esprits, la résurrection, la rétribution finale. Ils ne partagent pas l'attente messianique de nombre de leurs compatriotes. Ils méprisent le peuple, qui le leur rend bien. « Les sadducéens ne persuadent que les riches, le peuple ne leur est pas favorable », écrit l'historien Flavius Josèphe.


 Les pharisiens


Le même Josèphe définit les pharisiens comme un « parti qui semble plus religieux que les autres et commente les lois avec plus de soin ». La législation qu'ils proposent au peuple remonte, selon eux, à la « tradition des Pères ». Cette utilisation des traditions leur permettait de préciser la Loi – par exemple, ce qu'on pouvait faire ou ne pas faire le jour du sabbat –, d'en réinterpréter les exigences, mais parfois aussi de la modifier en fait, lorsque leurs précisions arrivaient à tourner le commandement. Deux écoles, l'une très rigoriste, l'autre plus ouverte, partageaient les pharisiens en deux tendances au début de notre ère. Mais tous raisonnaient en casuistes, et ils n'hésitaient pas à donner à la tradition la primauté sur la Loi. Une de leurs grandes réussites est la synagogue, qui fut l'instrument de leur influence sur le peuple. La synagogue désigne à la fois la communauté qui se réunit et le lieu où elle le fait. On s'y retrouvait le jour du sabbat pour la prière, la lecture de l'Écriture et l'homélie. Pendant la semaine, elle servait d'école, et l'on s'y instruisait de la Loi. Pour la plupart farouchement nationalistes, les pharisiens exécraient les Romains.


 Les esséniens et les zélotes


Les esséniens menaient une vie communautaire, retirés dans le désert de Juda. Ils sont bien connus depuis la découverte d'une part importante de leur bibliothèque et de leur établissement monastique au bord de la mer Morte. On sait par ailleurs que des esséniens vivaient aussi dans les villes, comme des membres d'un tiers ordre. De recrutement surtout sacerdotal à l'origine, ils avaient rompu avec le culte du Temple, dont ils jugeaient les cérémonies souillées par un sacerdoce impur. Comme ils suivaient un ancien calendrier sacerdotal différent du calendrier officiel, ils se trouvaient coupés de la vie et des fêtes religieuses juives. Tous étaient des volontaires ; avant leur admission définitive dans la secte, ils devaient passer par un postulat d'un an et un noviciat de deux ans. Ils étaient soumis à une règle très stricte qui dictait des principes de hiérarchie et de rigoureuse obéissance. Les biens étaient mis en commun. Les esséniens avaient pour rites des bains quotidiens de purification et un repas sacré pris chaque jour en commun. Le but de cette vie communautaire est de faire en tout la volonté divine, d'étudier sans cesse la Loi et de mener une vie sainte qui réponde à ses exigences. Le caractère ésotérique de la secte, tant pour les ordonnances que pour les doctrines, est fortement marqué. On y enseigne un dualisme strict qui partage le monde et les hommes en deux camps : celui de la lumière, du bien et de la vérité (le parti de Dieu) et celui des ténèbres, du mal et du mensonge (le parti de Bélial). Au contraire des pharisiens, les esséniens pratiquent, dans leurs commentaires de l'Écriture, une exégèse inspirée. Les spéculations messianiques y fleurissent. La secte se prépare à la guerre apocalyptique et attend la fin pour la génération présente.

Enfin, c'est à cette époque aussi qu'apparaît le mouvement zélote, dont les origines restent obscures, mais dont on sait qu'il rassemble les partisans d'une action directe et immédiate contre l'occupant et ses complices. Tout incident leur est une occasion de déclencher une émeute. Redoutés des sadducéens, désapprouvés par les pharisiens, leur influence va croissant au point qu'ils entraîneront une grande partie du peuple lors de la guerre juive.


Les prises de position de Jésus et les sectes


Ces diverses sectes ne réunissent pourtant qu'une faible partie du peuple juif. Josèphe estime que le parti des pharisiens, le plus nombreux, ne dépasse pas six mille membres. La grande majorité des juifs constitue ce que les pharisiens appellent « le peuple du pays », sur lequel on n'est guère renseigné.
Il est important de pouvoir situer l'activité de Jésus dans ce contexte. En effet, Jésus sera très vite en butte à l'opposition des sadducéens, qui le considèrent comme un fauteur de troubles et montreront leur hostilité lors de son jugement. Certains pharisiens ont pu manifester de la sympathie pour lui et, dans son enseignement, on retrouve quelques formules proches des sentences pharisiennes. Mais, en stigmatisant leur légalisme étroit et la charge insupportable des observances qu'ils imposent aux juifs pieux, en dénonçant ceux qui n'ont que l'apparence de la piété, en les accusant de prendre le détail pour l'essentiel et la tradition pour la Loi, Jésus fera des pharisiens ses adversaires les plus redoutables, qui ne le lui pardonneront pas. Les Évangiles ne mentionnent pas les esséniens que Jésus a pourtant connus lorsqu'il était auprès de Jean-Baptiste. Si Jésus ne partageait ni leur haine pour les pécheurs ni leur obsession de la pureté rituelle, sa proclamation d'un bouleversement prochain n'est pas sans rapport avec l'espérance apocalyptique recueillie par l'essénisme. Enfin, Jésus a dû prendre plusieurs fois position à l'égard des aspirations zélotes, au sujet de l'impôt dû à César, par exemple. Sans doute a-t-on dû le prendre, ici ou là, pour un sympathisant zélote, d'autant plus facilement que quelques-uns de ses disciples avaient des attaches avec le mouvement zélote ; cela est certain pour Simon, dit le Zélote, vraisemblable pour Judas, et possible pour Pierre et les deux fils de Zébédée. Au moment de son arrestation, l'un d'eux tirera l'épée. Cette équivoque sera utilisée devant Pilate par ses accusateurs, qui le dénonceront comme incitant la nation à la révolte, empêchant de payer le tribut à César et se déclarant le Messie-Roi (Luc 23: 2).


Source Universalis

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